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Univ. Paris-Saclay
13 mai 2008
Des molécules pour contrôler les impulsions lumineuses à l'échelle attoseconde

W. Boutu1, S. Haessler1, H. Merdji1, P. Breger1, G. Waters2, M. Stankiewicz3, L. J. Frasinski4, R. Taieb5,6, J. Caillat5,6, A. Maquet5,6, P. Monchicourt1, B. Carre1 and P. Salieres1

1. CEA-Saclay, DSM, Service des Photons, Atomes et Molécules, 91191 Gif sur Yvette, France
2. J.J. Thomson Physical Laboratory, University of Reading, Whiteknights, Reading RG6 6AF, UK
3. Institute of Physics, Jagiellonian University, ul. Reymonta 4, 30-059 Kraków, Poland
4. The Blackett Laboratory, Imperial College London, Prince Consort Road, London SW7 2BW, UK
5. UPMC Univ Paris VI, UMR 7614, Lab. de Chimie Physique-Matière et Rayonnement, 11 rue P. et M. Curie, 75231 Paris Cedex 05, France
6. CNRS, UMR 7614, LCPMR F-75005 Paris, France
 

Les lasers d'aujourd'hui couvrent une vaste gamme de longueur d'onde et les lasers impulsionnels offrent une résolution temporelle qui permet d'observer par exemple les étapes d'une réaction chimique. Les impulsions lasers ultra-brèves atteignent aujourd'hui la gamme de la centaine d'attosecondes, l'attoseconde (1 as = 10-18 s) étant le temps caractéristique associé au mouvement des électrons dans les atomes . Les recherches dans ce domaine se poursuivent, et la concurrence est vive pour produire un rayonnement laser de fréquence de plus en plus élevée (vers le domaine des rayons X), et de durée d'impulsion de plus en plus courte (as). Pour ceci, la génération d'harmoniques d'ordre élevé dans un gaz atomique a déjà montré toute ses potentialités [1]. Les nouvelles expériences de génération d'harmoniques dans un gaz composé de molécules linéaires montrent qu'il devient possible de contrôler et façonner les impulsions attosecondes obtenues.


Lorsqu’un laser infrarouge intense est focalisé dans un jet de gaz atomique, il induit des dynamiques électroniques ultra-rapides à une échelle de temps sub-femtoseconde. Il en résulte l’émission de flashs de lumière très brefs couvrant une grande gamme spectrale allant jusqu’aux rayons X. La durée de ces flashs peut atteindre ~0.1 femtoseconde soit 100 attosecondes (mesurée notamment au SPAM en 2003), ce qui en fait les impulsions les plus brèves jamais réalisées.

Les possibilités de contrôle des impulsions générées par les atomes restaient cependant limitées, restreignant le champ des applications. Nous venons de montrer que la génération d'impulsions par de petites molécules diatomiques telles que N2 ou O2 ou linéaire comme CO2, permet un véritable contrôle de l’émission attoseconde : la présence de plusieurs noyaux perturbe la dynamique électronique intramoléculaire et conduit à des interférences quantiques qui modulent l’émission attoseconde. Ces interférences dépendent fortement de l’angle entre l’axe de la molécule et le champ électrique du laser. En contrôlant l'alignement des molécules à l’aide d’une première impulsion laser peu intense, il devient ainsi possible de "façonner" les impulsions attosecondes émises. De telles impulsions pourraient permettre dans le futur d’effectuer un contrôle cohérent de processus atomiques et moléculaires ultrarapides. 

 
Des molécules pour contrôler les impulsions lumineuses à l'échelle attoseconde

Fig.1 : (1) situation initiale, (2) alignement des molécules par la première impulsion laser, (3) génération d'harmoniques attosecondes, (4) impulsion façonnée par interférence quantique intra-moléculaire.

Une première impulsion laser de durée 50 fs et d’intensité ~ 5 x 1013 W/cm2, focalisée dans un jet de gaz moléculaire (CO2), aligne les molécules dans la direction du champ laser par couplage du dipôle induit avec le champ (Fig. 1.1 et 1.2). Une deuxième impulsion laser de même durée mais plus intense (~1014 W/cm2), et dont la direction de polarisation est variable, vient ensuite (21 ps plus tard) générer les impulsions attosecondes (Fig.1.3) : le champ laser "libère" par effet tunnel un paquet d’ondes électronique, l’accélère et le renvoie vers le cœur avec lequel il se recombine radiativement, en restituant son énergie cinétique sous la forme d’un flash de rayonnement extrême-UV (UVX). Dans une molécule, la recombinaison peut s’effectuer sur chacun des noyaux, mais les émissions correspondantes sont alors déphasées du fait de la différence de "chemin" parcouru par le paquet d’ondes électronique.

 
Des molécules pour contrôler les impulsions lumineuses à l'échelle attoseconde

Fig.2: Profil d'intensité des impulsions attosecondes émises par des molécules de CO2 en fonction de leur angle d'alignement. Le temps est mesuré à partir du maximum du champ laser générateur. La courbe montre qu'il est possible de varier finement la largeur d'impulsion et le "timing" de l'émission dans un intervalle de 150 attosecondes (as).

Lorsque cette différence devient comparable à la demi-longueur d’onde de de Broglie du paquet d’ondes, il se produit une interférence destructive qui module le profil temporel de l’émission attoseconde (Fig.1.4), et par conséquent distord son amplitude et sa phase spectrale. C’est par la caractérisation approfondie de ces deux grandeurs qu'il a été possible de mettre en évidence pour la première fois sans ambigüité les interférences quantiques intramoléculaires. De plus, en changeant la direction d’alignement des molécules par rapport à la polarisation du champ laser de génération, la différence de "chemin électronique" est finement modifiée et donc la phase relative des émissions intramoléculaires : on peut ainsi contrôler précisément les interférences et manipuler les impulsions attosecondes (leur durée, leur synchronisation avec le champ laser).

Au-delà de cette démonstration de contrôle des impulsions à l'échelle de l'attoseconde, l’étude marque une étape importante dans le programme d’imagerie ultra-rapide d’orbitales moléculaires. En effet, ces mesures donnent accès aux  dipôles moléculaires qui gouvernent la recombinaison pour les différentes orientations, et permettent en principe une reconstruction tomographique de l’orbitale qui rayonne.

Ces études ont été réalisées sur le laser LUCA de l’IRAMIS, dans une collaboration Angleterre-Pologne-France associant 5 laboratoires. Les 2 laboratoires français (IRAMIS/SPAM et LCPMR de l’Université Paris 6) sont partenaires dans le cadre du programme ANR Atto-science.

Références :

[1] Attosecond Synchronization of High-Harmonic Soft X-rays,
Y. Mairesse, A. de Bohan, L. J. Frasinski, H. Merdji, L. C. Dinu, P. Monchicourt, P. Breger, M. Kovacev, R. Taïeb, B. Carré, H. G. Muller, P. Agostini, and P. Salières, Science 302 (2003) 1540.

Nature Physics Coherent control of attosecond emission from aligned molecules
W. Boutu, S. Haessler, H. Merdji, P. Breger, G. Waters, M. Stankiewicz, L. Frasinski, R. Taieb, J. Caillat, A. Maquet, P. Monchicourt, B. Carré and P. Salières, Nature Physics 4 (2008) 545.

Le communiqué de presse commun CEA-CNRS

Optics & Photonics Focus highlight: "Towards Filming Chemical Reactions" by Armand Niederberger, (version PDF)

 

La possibilité d'amplifier de telles impulsions (à l’échelle femtoseconde) par un dispositif de laser à électrons libres pourra encore augmenter le champ d'application de ces impulsions lasers (voir fait marquant IRAMIS : "Harmoniques cohérentes du Laser à Electrons Libres générées à partir d’harmoniques produites dans les gaz").

 
#1013 - Màj : 11/06/2013

 

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