... Sur le repliement des protéines
MARS 2000 N° 23
Une équipe du Service des Photons, Atomes et Molécules s'est préoccupée de reproduire les propriétés de photoluminescence de poussières interstellaires en laboratoire en utilisant des matériaux modèles.
Voilà près de 20 ans que les astronomes ont observé des émissions de lumière rouge à large bande spectrale en provenance de certaines nébuleuses. On pense que c’est la photoluminescence (PL) de grains de poussières qui produit cette “ Émission Rouge Étendue (ERE) ” et qu’elle résulterait de l’absorption de photons ultraviolet émis par une étoile voisine (Schéma). Par contre, la nature exacte des poussières émettrices reste encore inconnue.
Depuis sa découverte en 1980 dans la nébuleuse du Rectangle Rouge, un grand nombre d’observations ont permis de définir les principales caractéristiques de l’ERE :
elle a été observée dans des objets astronomiques très différents, et récemment dans le milieu interstellaire diffus, loin de toute étoile, où les densités de photons excitateurs et de poussières sont très faibles.
la longueur d'onde du maximum d’émission varie d'un objet à l'autre, mais elle reste limitée entre 600 nm (dans le milieu interstellaire diffus) et 820 nm (dans la nébuleuse d'Orion, dans laquelle les poussières sont au contraire soumises à des flux de photons incidents très intenses). De la même façon, la largeur de la bande spectrale varie entre 120 et 200 nm suivant l'objet.
Enfin, à partir d'observations astronomiques, il a été montré que les poussières responsables de l'ERE doivent avoir un rendement quantique de PL très élevé, de l'ordre de 1 à 10 %.
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Afin de déterminer la nature des grains de poussières qui seraient responsables de l’ERE, les caractéristiques de PL de différents matériaux proposés comme des candidats potentiels ont été étudiés au SPAM :
Tout d’abord, les grains de carbones amorphes hydrogénés (a-C:H) ont été longtemps invoqués par les astrophysiciens comme étant à l’origine du phénomène ERE. Ils peuvent certainement être écartés car ils ne satisfont ni les critères sur la spectroscopie ni ceux sur l’efficacité de PL : la PL est soit trop bleue, soit trop large, et les rendements quantiques sont insuffisants (Fig. 1). De la même façon, les alliages de carbure de silicium amorphe hydrogéné (a-SiC:H) présentent des largeurs de bande excessives et des rendements trop faibles (<10-2 pour une émission rouge) pour être compatibles avec les observations.
En revanche, toutes les caractéristiques de l’ERE sont bien reproduites en laboratoire par une population de grains nanométriques de silicium cristallin (Fig. 1). Ces derniers sont synthétisés par pyrolyse laser d’un gaz de silane, sélectionnés en masse et déposés sur un substrat sous forme de films minces. Plusieurs distributions en taille ont ainsi pu être obtenues, avec des diamètres moyens de grain variant entre 2 et 7 nm et des largeurs de distribution d’environ 1 nm.
Contrairement au silicium massif qui est un semi-conducteur à gap indirect dans lequel la PL est limitée par la recombinaison non radiative liée aux défauts, les nanocristaux de silicium démontrent des rendements de PL très élevés. En effet, en réduisant la taille des grains, la probabilité de présence d'un défaut dans le volume du grain diminue. De plus, le gap électronique augmente et la bande de PL se déplace vers les courtes longueurs d'onde lorsque le diamètre des particules devient inférieur au rayon de l'exciton de Bohr dans le silicium (d < 6 nm) en accord avec la théorie du confinement quantique.
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Ainsi, les effets de taille dans les semi-conducteurs semblent être la clé des problèmes posés par l’observation de l’ERE. Les spectres de PL mesurés en laboratoire pour des tailles de grain comprises entre 2 et 5 nm reproduisent parfaitement l’intervalle de 600 à 800 nm des observations célestes (Fig. 2) ; les rendements associés sont forts et voisins de 10 %. Les spectres de nébuleuses ont pu être simulés avec succès.
On peut ainsi imaginer que les champs radiatifs intenses qui règnent dans certaines régions de l’espace vont provoquer la destruction des grains les plus petits (lesquels émettent plus vers l’orange) et donc conduire à des déplacements du pic d'ERE vers le rouge, comme cela semble être observé dans le ciel. A l'inverse, dans le milieu interstellaire diffus, où le champ radiatif est suffisamment faible pour permettre l'existence de ces plus petites cristallites, l'ERE est plus orange.
D'autres paramètres pertinents pour l'astrophysique, tels que l'effet de la température des grains ou de la longueur d'onde excitatrice, susceptibles de modifier les rendements et/ou de déplacer le pic de PL sont en cours d'étude au laboratoire. Enfin, une meilleure caractérisation de la distribution en taille des particules déposées devrait permettre une meilleure compréhension de la relation entre le diamètre des grains et le rendement de PL.
Pour en savoir plus :
Ledoux et al., 1998, Astronomy & Astrophysics, 333, L39-L42
Contacts :
O. Guillois, G. Ledoux; C. Reynaud
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