Faits marquants scientifiques

L’interaction de la lumière visible avec un objet métallique conducteur se traduit par un large spectre d’absorption, pouvant présenter des résonances "plasmon" qui correspondent à des oscillations collectives des électrons proches de la surface du métal. Lorsqu’un tel "plasmon de surface" est excité, une grande quantité d’énergie peut se concentrer autour de points localisés, à une échelle nanométrique bien inférieure à la longueur d'onde utilisée. Il est alors possible de mettre à profit ces résonances pour façonner la matière par des réactions de chimie locale, en particulier des réactions photosensibles.

Les travaux rapportés ci-dessous illustrent l’emploi de tels concentrateurs de lumière comme supports de réactions de photopolymérisation pour la fabrication de nano-objets hybrides d’intérêt technologiques, tels que des capteurs biochimiques, des sources de lumière nanométriques et des interrupteurs pour la photonique.

À la fois organiques et métalliques, les nanoparticules hybrides offrent une large palette de propriétés pour des applications allant de la biodétection à la photonique. Elles restent cependant difficiles à synthétiser et à fonctionnaliser avec précision.

Une large collaboration rassemblant des chercheurs des deux UMRs  CEA-CNRS SPEC et NIMBE, de l’IS2M (CNRS/Université Haute Alsace), du L2n (CNRS/UTT) et de l’ICR (CNRS/Aix Marseille Université), a développé une méthode efficace et précise pour leur donner de nouvelles propriétés, comme les rendre hydrophobes. Pour cela, les chimistes passent par deux étapes successives de polymérisation par la lumière, révélant des fonctions dormantes, permettant d’induire de nouvelles réactions en surface.

L’auto-assemblage de molécules optiquement actives sur des surfaces métalliques ouvre de nouvelles opportunités pour les sources de lumières organiques et les milieux amplificateurs de lumière. La surface d’un métal supporte des plasmons de surface (PPS), excitations électroniques sous forme d'ondes électromagnétiques se propageant le long de la surface. Une collaboration saclaysienne, entre le SPEC/LEPO et l'équipe de Sylvain Barbay du C2N, montre que l’auto-assemblage de molécules spécifiques optiquement actives, permet de maximiser leur couplage électromagnétique avec ces plasmons de surface.

Le milieu ainsi réalisé permet d'atteindre une forte densité de molécules fluorescentes. De plus, le moment dipolaire des molécules est idéalement orienté perpendiculairement à l’interface, selon la direction de polarisation prédominante des PPS. Enfin, cet assemblage des molécules donne naissance à un mode d’excitation collective (exciton ou formation de paires électron-trou) en interaction avec les PPS. La combinaison unique de ces trois caractéristiques permet d’atteindre le régime de couplage fort entre l’exciton et les PPS. Dans ce régime, l’échange très rapide d’énergie entre les molécules et les PPS donne naissance à des modes hybrides qui présentent un grand intérêt fondamental et appliqué en photonique. En particulier l’analyse de l’émission spontanée dans ces modes hybrides permet de clarifier la physique en jeu, dans ces conditions de couplage fort,  sujet fortement débattu actuellement pour la réalisation de sources cohérentes nanométriques.

Les nanoparticules de métaux nobles présentent d’étonnantes propriétés optiques accessibles à tout un chacun au travers des couleurs chatoyantes des vitraux médiévaux. Dans cet exemple, le rendu des couleurs est lié à l’occurrence de résonances plasmons, une oscillation collective des électrons de conduction du métal sous l’influence d’un champ électromagnétique externe, ici la lumière du jour. Au-delà du domaine artistique, la plasmonique offre la possibilité de manipuler la lumière à l’échelle du monde nano. Cette perspective impose de comprendre plus avant la physique régissant ce phénomène, de concevoir des modèles théoriques susceptibles d’appréhender l’optique de petits objets et de développer des méthodes de caractérisations expérimentales haute résolution du champ proche optique.

Nos travaux visent à répondre à ces trois attentes. Sur un plan théorique, l’ingénierie du champ proche optique d’objets de tailles nanométriques peut être conduite quantitativement par simulation numérique au moyen de méthodes avancées telles que la méthode des différences finies dans le domaine temporel (Finite Difference Time Domain FDTD) ou l’approximation dipolaire discrète (Discrete Dipole Approximation DDA). Ces méthodes, toutefois, sont lourdes d’implémentation et requièrent des ressources informatiques conséquentes. Ce travail propose une méthode simple d’analyse du champ proche optique basée sur la théorie des groupes. Elle permet de prédire et d’interpréter le comportement plasmonique d’une particule de symétrie finie en quelques minutes seulement.

La première étape consiste en l’identification des symétries de l’objet et du champ excitateur. Ces éléments permettent la détermination des états propres symétriquement adaptés associés aux résonances plasmons de l’objet d’étude selon une démarche équivalente à celle mise en œuvre en chimie pour le calcul des orbitales moléculaires par combinaison d’orbitales atomiques. Ces états représentent la distribution de charges induites à résonance. Les paramètres de l’illumination, c’est-à-dire la longueur d’onde et la polarisation du champ incident, autorisent la manipulation sublongueur d’onde du champ optique par adressage sélectif de modes plasmons.

Ces prédictions sont confrontées aux réponses plasmoniques réelles de nano-objets de différentes géométries et tailles : cube, prisme… étudiées par microscopie de photoémission d’électrons (PhotoEmission Electron Microscopy PEEM), une microscopie électronique non intrusive d’une grande résolution spatiale au regard des grandeurs optiques manipulées.

C’est bien connu, l’or brille et c’est l’une des raisons de son succès ! A l’état de nanoparticule, son aspect "doré" disparait, mais sous forme de nanoparticules il présente des propriétés de luminescence assez inattendues, compte-tenu de son très faible rendement quantique (10-10) pour la réémission d'un photon après excitation.

Ainsi, une très forte luminescence visible (centrée dans le vert) est observée après excitation par des photons infrarouge de nanobâtonnets d'or : le signal d’un bâtonnet unique (10 nm x 40 nm) excède plus précisément de quelques millions le signal d’un fluorophore tel que la fluorescéine. Lors de son travail de thèse, Céline Molaro, a mené des études approfondies qui ont permis d’identifier l’origine de ces effets, et le rôle joué par les modes plasmons des nano-objets uniques étudiés, lors de l'absorption et de l'émission de lumière.

 

Retour en haut