03 juin 2022
Des photons microondes par paquets
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Des chercheurs du SPEC démontrent un régime de fort couplage électrodynamique entre les photons microondes stockés dans un résonateur micro-fabriqué, et les paires de Cooper traversant une jonction Josephson polarisée en tension. Grâce à des mesures de corrélations temporelles sur les microondes émises, ils ont pu démontrer qu’un seul transfert de charge peut émettre spontanément jusqu’à 4 photons simultanément témoignant de ce fort régime d’interaction.
 

La constante de structure fine α0 = 1/2√(μ00)e2/h ~ 1/117 règle l’interaction entre électrons et photons. Elle résulte de la granularité de la charge électrique e, ainsi que de l’amplitude des fluctuations du vide du champ électromagnétique paramétrées par l’impédance du vide Z0 = √(μ00) ~ 377 Ω. Même si la diffusion d’un seul électron peut émettre spontanément k photons, ces processus ont une probabilité très faible P(k) ~ α0k par rapport à l’émission d’un seul photon.

 

 

Figure : a) Une jonction Josephson (en jaune à gauche) polarisée en tension est couplée à un résonateur microonde (bobine centrale) dont les photons fuient vers une ligne de mesure (en jaune à droite). Le flux appliqué sur la jonction en géométrie de SQUID permet d’ajuster son énergie Josephson EJ b) Puissance rayonnée en fonction de la tension de polarisation de la jonction. c) Facteur de Fano (haut) et occupation du résonateur (bas) en fonction de l’énergie Josephson de la jonction.
 

Dans les circuits quantiques supraconducteurs, il est possible d’obtenir un régime de couplage fort : la très basse dissipation électrique de ces circuits permet de fabriquer des résonateurs microondes ayant une grande impédance caractéristique sans avoir à payer des pertes intrinsèques. Le résonateur planaire en spirale montré en Figure a) exploite cet effet pour obtenir une impédance Zc = 2 kΩ à une fréquence de résonance f0 = 5 GHz. Couplé à une ligne de transmission, on peut sonder sa dynamique en mesurant le rayonnement qui y fuit à taux d’environ 100 MHz. Comme il est placé dans un réfrigérateur à dilution, avec une température de T = 15 mK, ce résonateur est essentiellement vide de photons à l’équilibre thermique (kB T≪hf0). Ce résonateur est connecté à un conducteur quantique modèle : une Jonction Josephson polarisée en tension, constituée de deux électrodes supraconductrices séparées par une fine barrière isolante. Quand la tension appliquée V est plus faible que le gap d’excitations du supraconducteur eV < 2Δ = 400 μeV, aucune puissance ne peut être dissipée par le jonction. Mais quand le travail fourni par la source de tension permet d’exciter les transitions du résonateur, une paire de Cooper de charge 2e peut traverser de façon irréversible la jonction en émettant k photons dans le mode : 2eV = khf0. La constante de structure fine effective régissant ces processus a = πZC(2e)2/h est d’ordre 1.

La figure b) montre la puissance rayonnée dans la ligne à la fréquence du résonateur en fonction de la tension de polarisation de la jonction. On y voit les résonances attendues, témoignant d’un fort couplage avec des processus d’émission spontanée visibles jusqu’à k = 6 photons. Afin de confirmer que ces photons sont émis par paquets, nous avons caractérisé leur statistique temporelle en mesurant le facteur de Fano de la puissance microonde rayonnée. Analogue photonique du facteur de Fano caractérisant la charge transportée dans les diodes Schottky, cette mesure compare la densité spectrale de fluctuations de puissance moyennées dans un temps de mesure long, à la puissance moyenne détectée dans ce même laps de temps : (δP)2⁄(2P). Il mesure donc la taille des grains d’énergie rayonnée. La figure c) montre ce facteur normalisé par le quanta d’énergie du photon émis hf0 pour les 4 premiers ordres d’émission, en fonction de l’Energie Josephson EJ de la jonction. Ce paramètre détermine l’occupation du résonateur (figure c, bas) et donc la puissance émise. On  observe que dans la limite de faible puissance (faible EJ), le facteur de Fano des processus d’ordre k tend vers k ; montrant que les photons sont émis de façon stochastique mais par paquets de taille k. On y observe aussi une dépendance non-monotone avec EJ qui témoigne des transitions paramétriques associées aux différents ordres d’émission, résultant de la non-linéarité de la relation courant-phase de la Jonction Josephson. Cette dynamique est néanmoins bien comprise par la modélisation théorique de nos collaborateurs de l’Université de Ulm prenant en compte les imperfections du circuit (courbes continues).

Cette expérience montre que le régime de fort couplage électrodynamique est facilement accessible dans les circuits supraconducteurs. Associé à la forte non-linéarité de la Jonction Josephson, ce régime ouvre des nouvelles perspectives pour la génération et la transformation de signaux microondes quantiques.

 

Référence :

Emission of Photon Multiplets by a dc-Biased Superconducting Circuit, G. C. Ménard, A. Peugeot, C. Padurariu, C. Rolland, B. Kubala, Y. Mukharsky, Z. Iftikhar, C. Altimiras, P. Roche, H. le Sueur, P. Joyez, D. Vion, D. Esteve, J. Ankerhold, and F. Portier, Phys. Rev. X 12, 021006 (2022), https://doi.org/10.1103/PhysRevX.12.021006

Collaboration :

Contacts CEA :

 
#3466 - Màj : 07/04/2023

 

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