Analyse des spectres d’absorption du fer et du cuivre mesurés dans le domaine X auprès du laser LULI-2000
Analyse des spectres d’absorption du fer et du cuivre mesurés dans le domaine X auprès du laser LULI-2000

Figure 1. Simulation hydrodynamique d’un échantillon de fer de masse surfacique 20 µg/cm2. Profils de densité (a) et de température (b) en fonction des coordonnées lagrangiennes. Les courbes « mid » correspondent aux résultats des mesures de température radiative données par µDMX. Les courbes « max » et « min » présentent des estimations correspondant aux mesures µDMX décalées d’un écart-type.

Auteurs :

T. Blenski, G. Loisel, M. Poirier, F. Thais, CEA DSM/IRAMIS

P. Arnault, T. Caillaud, J. Fariaut, F. Gilleron, J.-C. Pain, Q. Porcherot, C. Reverdin, V. Silvert, B. Villette, CEA-DAM

S. Bastiani-Ceccotti, LULI-École Polytechnique

S. Turck-Chièze, CEA-DSM/IRFU

W. Fölsner, MPQ Munich

F. de Gaufridy de Dortan, UPM Madrid

Résumé : Dans la région spectrale des transitions 2p-nd, n ≥ 3, les opacités de plasmas d’éléments de numéros atomiques Z voisins ont été mesurées et analysées avec des codes de physique atomique. Les simulations hydrodynamiques, fondées sur les mesures de température radiative effectuées à l’aide du spectromètre µDMX, ont été utilisées pour estimer les températures et densités des échantillons chauffés par une cavité laser. Les comparaisons avec les mesures permettent alors de valider les codes d’opacité dans les cas choisis et d’élucider un certain nombre d’effets importants dans la modélisation comme l’élargissement thermique des structures d’absorption, la séparation spin-orbite et l’interaction de configurations relativistes.

 

Des mesures d’opacité de plasmas d’éléments voisins en Z, fer (Z=26), nickel (28), cuivre (29) et germanium (32), ont été effectuées auprès de l’installation LULI 2000. La région spectrale correspond aux transitions électroniques 2p nd, n ≥ 3. Les températures radiatives dans la cavité, mesurées à l’aide du spectromètre large bande µDMX [1], ont servi de point de départ pour des simulations hydro-radiatives (fig. 1). Les températures des échantillons sont alors autour de 20 eV et les densités de l’ordre de 0,01 g/cm3. Selon nos prévisions théoriques la séparation en deux des structures 2p 3d, due au couplage spin-orbite, invisible dans le cas du fer, doit apparaître progressivement lorsque Z augmente. De plus, les structures 2p-3d sont sensibles à l’interaction de configurations relativistes (ICR). Les transitions mesurées ont été comparées [1,2] aux résultats théoriques qui sont obtenus à l’aide du code d’opacité statistique SCO [3], des deux codes détaillés HULLAC [4] et FAC [5], et du nouveau code mixte SCORCG [6]. Bien qu’approximatif dans la description des structures d’absorption, le code SCO permet de tenir compte d’un grand nombre d’états électroniques excités ainsi que de l’écrantage dû aux électrons libres du plasma. Les codes HULLAC et FAC sont fondés sur un calcul détaillé des raies mais, à cause de la complexité et du temps de calcul requis, ils deviennent en pratique inutilisables en présence de nombreux états atomiques. Le code SCORCG, développé récemment au CEA – DAM Île-de-France, est de nature mixte : fondé sur le code SCO et le code RCG de Cowan [7], il permet un calcul détaillé des raies d’un certain nombre de configurations pertinentes, traitant les configurations restantes de manière statistique.

 
Analyse des spectres d’absorption du fer et du cuivre mesurés dans le domaine X auprès du laser LULI-2000

Figure 2. Comparaison de la transmission mesurée d’un échantillon de fer de masse surfacique20 µg/cm2 avec les transmissions obtenues à l’aide de divers codes (température de 22 eV et densité de 4 mg/cm3). Les transitions 2p-nd, n > 3 ne sont pas prises en compte dans les calculs détaillés HULLAC et FAC.

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Figure 3. Comparaison des deux transmissions mesurées d’un échantillon de cuivre de masse surfacique 40 µg/cm2 avec les transmissions des codes statistique SCO et mixte SCORCG (température de 16 eV et densité de 5 mg/cm3). L’énergie du laser de chauffage est de 64 J pour le tir 31 (Cu_31) et de 80 J pour le tir 21 (Cu_21). La différence entre les deux transmissions expérimentales est également tracée (diff_21_31).

Nous présentons ici deux comparaisons théorie-expérience : la première concerne un plasma de fer, élément important en astrophysique, et la seconde un plasma de cuivre, constituant de certains ablateurs laser.

Dans le cas du fer (fig. 2), la forme des structures d’absorption 2p-3d (entre 16 et 17,5 Å) est qualitativement assez bien reproduite par les codes mais les transmissions théoriques sont plus faibles que celles mesurées. La séparation spin-orbite des structures 2p-3d disparaît suite à des effets thermiques, à la fois dans les transmissions mesurées et théoriques. En effet, les calculs ont révélé que l’élargissement des structures 2p-3d du fer provient surtout de la fluctuation thermique du nombre d’électrons sur la sous-couche 3p des ions du plasma. La transmission due aux transitions 2p-nd, n > 3 reste assez élevée et bruitée dans le spectre mesuré (13–15,5 Å) et l’accord théorie-expérience est pratiquement inexistant dans cette gamme spectrale.

 

 

Dans le cas du cuivre (fig. 3), l’accord entre les valeurs théoriques et expérimentales est meilleur que pour le fer. La séparation spin-orbite des structures 2p-3d (entre 12,5 et 13,5 Å) est clairement visible ce qui est conforme aux calculs. L’effet de l’ICR a aussi pu être observé. la transmission théorique obtenue à l’aide du code SCORCG, qui inclut l’ICR de manière exacte, améliore l’accord avec la courbe expérimentale par rapport à SCO qui traite l’ICR de manière approximative. L’analyse des spectres calculés dans le cas du cuivre révèle que la sous-couche 3p est ici fermée et que l’élargissement des structures 2p-3d est principalement dû à la présence d'un grand nombre de raies lié à l’occupation de la sous-couche 3d qui fluctue autour de 5, soit à la moitié de sa valeur maximale. Un relativement bon accord théorie-expérience existe également dans la gamme de longueur d’onde des transitions 2p-nd, n > 3. Les différentes comparaisons publiées [1,2] ont montré que les codes statistiques et détaillés sont capables de reproduire les transmissions mesurées dans la région spectrale 2p-3d. Les positions des structures 2p-3d, très sensibles à la température, peuvent aussi servir de diagnostic supplémentaire de température, par exemple lors des mesures d’opacités XUV correspondant à des transitions Δn = 0, importantes en astrophysique.

Références

[1] T. Blenski, G. Loisel, M. Poirier, F. Thais, P. Arnault, T. Caillaud, J. Fariaut, F. Gilleron, J.-C. Pain, Q. Porcherot, C. Reverdin, V. Silvert, B. Villette, S. Bastiani-Ceccotti, S. Turck-Chièze, W. Foelsner, F. De Gaufridy De Dortan, “Opacity of iron, nickel, and copper plasmas in the x-ray wavelength range: Theoretical interpretation of 2p-3d absorption spectra”, Phys. Rev. E, 84, 036407 (2011).

[2] T. Blenski, G. Loisel, M. Poirier, F. Thais, P. Arnault, T. Caillaud, J. Fariaut, F. Gilleron, J.-C. Pain, Q. Porcherot, C. Reverdin, V. Silvert, B. Villette, S. Bastiani-Ceccotti, S. Turck-Chièze, W. Foelsner, F. De Gaufridy De Dortan, “Theoretical interpretation of x-rays photo-absorption in medium-Z elements plasmas measured at LULI2000 facility”, High Energy Density Phys., 7, p. 320-326 (2011).

[4] A. Bar-Shalom, M. Klapisch, J. Oreg, “HULLAC, an integrated computer package for atomic processes in plasmas”, J. Quant. Spectrosc. Radiat. Transfer, 71, p. 169-188 (2001).

[5] M. F. Gu, “The flexible atomic code”, Can. J. Phys., 86, p. 675-689 (2008).

[6] Q. Porcherot, J.-C. Pain, F. Gilleron, T. Blenski, “A consistent approach for mixed detailed and statistical calculation of opacities in hot plasmas”, High Energy Density Phys., 7, p. 234-239 (2011).

[7] R. D. Cowan, The theory of atomic structure and spectra, University of California, Berkeley (1981).

 
#2146 - Màj : 26/09/2018


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