(Résonance Magnétique Nucléaire / Imagerie par Résonance Magnétique)
P. Berthault (NIMBE/LSDRM), C. Fermon (SPEC/LNO), H. Desvaux, L. Barbier
(actualisé Octobre 2015, septembre 2020)
La RMN consiste à détecter les variations de l'aimantation des noyaux des atomes sous l'action d'un champ magnétique puissant et d'une onde électromagnétique (onde radio) excitatrice.
La Résonance Magnétique Nucléaire, découverte il y a maintenant 60 ans et présente sur le Centre de Saclay depuis près de 50 ans, est maintenant utilisée dans de très nombreux domaines allant de la physique de la matière condensée à la médecine en passant par l’analyse chimique, la biologie structurale,… Les progrès ont été médiatisés à travers trois prix Nobel (R.R. Ernst en Chimie en 1991, K. Wüthrich en Chimie en 2002, P. Lauterbur et sir P. Mansfield en médecine en 2003).
La RMN est devenue une méthode alternative à la diffraction des rayons X pour l’étude des protéines et une méthode de choix dans l’étude des matériaux désordonnés comme les verres, les polymères ou les bétons. Dans ce cadre, les activités de l'IRAMIS ont porté sur le développement de nouvelles méthodes :
Aujourd'hui, si une partie de ces thématiques perdure, la tendance récente est au développement de recherches visant à combattre la faiblesse majeure de la RMN : sa faible sensibilité.
Pour augmenter le signal RMN, la solution usuelle consiste, comme dans le cas du projet Iseult à NeuroSpin à utiliser des champs magnétiques les plus intenses possible. Cependant, dans le futur, cette solution sera nécessairement limitée par les contraintes sur les matériaux supraconducteurs. Aussi d’autres approches permettant d’augmenter l’intensité du signal par unité de temps et/ou la résolution spatiale sont développées.
Pour gagner en sensibilité,l’utilisation d’espèces ‘hyperpolarisées’ devrait prendre un grand essor. Cette technique permet d'obtenir des écarts de populations entre les niveaux d’énergie "spin up / spin down" largement augmentés, et qui s'écartent fortement de leur valeur à l’équilibre dans le champ magnétique utilisé, Deux techniques développées à l'IRAMIS permettent ainsi de ‘booster’ la polarisation nucléaire :
En parallèle, il est aussi important d’augmenter les performances des capteurs ou de développer des méthodes alternatives de détection. L'IRAMIS développe plusieurs programmes de recherches dans cet axe :
De plus, l’utilisation de champs magnétiques intenses n’induit pas seulement un gain en sensibilité, mais aussi permet un accroissement de la résolution spectrale. Des travaux pour développer une biosonde à base de xénon polarisé par laser sont entrepris à l'IRAMIS. Par son caractère hydrophobe, le xénon a une grande affinité pour des molécules-cages qui sont modifiées chimiquement pour cibler certains récepteurs cellulaires. Le déplacement chimique du xénon encapsulé est très différent de celui du xénon libre, ce qui permet de réaliser une imagerie sensible et sélective d’environnements biologiques spécifiques. Dans le cadre d'une collaboration a débuté avec NeuroSpin, ces traceurs sont testés sur des souris géniques.
Enfin, constatant que la résonance magnétique nucléaire classique est constituée d’un appareillage assez lourd et encombrant qui nécessite le déplacement des objets d’étude vers les systèmes RMN / IRM, des recherches sont en cours pour développer un spectromètre portable utilisant des aimants permanents ou à bobine bas champ. Plusieurs champs d’application pourraient profiter de ces travaux, parmi lesquels :
Nul doute que la présence à Saclay de la plateforme IRM à vocation internationale NeuroSpin permettra de nouvelles synergies avec les laboratoires de l'IRAMIS travaillant à la pointe des recherches en RMN depuis plusieurs décennies !
NB : dans les années 2000, le "Laboratoire CEA-CNRS C. Fréjacques" commun a rassemblé les équipes de recherche en RMN du CEA
(commun à la direction des sciences de la matière (DSM) et la Direction des sciences du vivant (DSV) )
Les recherches menées au "Laboratoire de Structure et Dynamique par Résonance Magnétique" sont centrées sur le développement et l’utilisation de l’outil RMN. De nouvelles méthodes et des approches originales sont développées pour des applications allant de la phase gaz à la phase solide, pour une meilleure connaissance de la structure fine des matériaux tels que verres nucléaires ou macromolécules biologiques. Les compétences du Laboratoire s’étendent des développements instrumentaux jusqu’aux simulations moléculaires.
1947 | Anatole Abragam entre au CEA |
1950-60 | Travaux d'Abragam et de son équipe sur la RMN. Développement du concept de température de spin. |
1955 | Maurice Goldman entre au CEA - Service de Physique du Solide et de Résonance Magnétique Nucléaire |
1960 | Anatole Abragam nommé Professeur au Collège de France, chaire de magnétisme nucléaire |
1969 | Anatole Abragam et Maurice Goldman s'orientent vers l'étude de l'ordre magnétique nucléaire à très basse température (~nK). Mise en évidence de l'antiferromagnétisme nucléaire |
1969 | Maurice Goldman reprend la chaire de magnétisme nucléaire du Collège de France. Sous-directeur de laboratoire au Collège de France, il y poursuit ses études sur la RMN. |
1973 | Ouverture du Laboratoire commun DSM-DSV (C. Fréjacques – J. Coursaget - J.Horowitz) |
1982 | Publication du livre "Magnétisme nucléaire, ordre et désordre" par Anatole Abragam et Maurice Goldman. |
1984 | Retour de Maurice Goldman au CEA, pour le développement de la résonance magnétique nucléaire (RMN) biomédicale. |
1993 | Maurice Goldman, conseiller scientifique au CEA. |
1981 | Au DRECAM, le SCM et le SPEC joignent leurs efforts en RMN du solide. Les chimistes s'équipent en RMN : arrivée du 1er spectromètre supraconducteur à 11,7T en Europe (Bruker, 500 MHz 1H) |
1986 | J. Virlet et A. Llor inventent la méthode de haute résolution pour les noyaux quadrupolaires en solide appelée DAS (en même temps qu’A. Pines à Berkeley), et la RMN à champ nul. |
1988 | Arrivée au DRECAM du spectromètre 14 T (Bruker, 600MHz 1H) |
2000 | Collaboration autour du spectromètre (18,7 T, 800 MHz 1H) de l'ICSN (Institut de Chimie des Substances Naturelles, Gif) |
2004 | Maurice Goldman est élu membre de l'Académie des Sciences Les contributions de Maurice Goldman en RMN ont porté essentiellement sur la thermodynamique statistique des systèmes de spins, l'ordre magnétique nucléaire, la relaxation et la polarisation dynamique nucléaires, et la théorie de la RMN de haute résolution dans les liquides. |
2004 | Formation RMN à l’INSTN donnée par le Laboratoire Structure et Dynamique par Résonance Magnétique. |
2005 | Patrick Berthault est nommé responsable du "Laboratoire Structure et Dynamique par Résonance Magnétique" au CEA/DRECAM (devenu IRAMIS). |
2006 | Claude Fermon, élève d'Abragam, Hervé Desvaux, doctorant de Maurice Goldman, et leurs collègues poursuivent leurs développements méthodologiques en RMN. |
2006 | Inauguration de NeuroSpin à Saclay. |
2007 | Un contrat "Starting grant" de l’European Research Council (ERC) est attribué à Dimitrios Sakellariou de l'équipe RMN du SCM. |
2008 | Le DRECAM devient l'IRAMIS. |
2015 | Conférence à l'Académie des sciences sur la RMN - Prolongements récents de l'oeuvre d'Anatole Abragam Introduction de Maurice Golodman et Daniel Estève |
Laboratoire Structure et Dynamique par Résonance Magnétique de l'IRAMIS-NIMBE (ex SCM)
Le groupe CAPMAG de l'IRAMIS
The International Society of Magnetic resonance : http://www.ismar.org
Le groupement "Ampère : association européenne de scientifiques actifs dans les domaines de la résonance magnétique, optique, diélectriques, imagerie par résonance magnétique :http://www.ampere.ethz.ch
Maurice Goldman : Histoire de la RMN, Autour de ses premiers acteurs … et après.
http://culturesciences.chimie.ens.fr/Histoire_de_la_RMN_Goldman.pdf
Séminaire Hervé Desvaux (2005) :
Une petite histoire de la Résonance Magnétique NucléaireDe la physique fondamentale à un outil de biologie
La découverte de la résonance magnétique nucléaire date de 1946 quand E.M. Purcell montre la présence d’une absorption résonante dans les solides et F. Bloch montre de son côté l’existence d’une induction nucléaire. Ces travaux leur ont valu le prix Nobel en 1952.
Le CEA s’est impliqué très rapidement dans cette thématique, sous la direction d’Anatole Abragam dont les contributions principales sont : méthode de l'Hamiltonien de spin (avec Maurice Pryce, 1949), théorie de la structure hyperfine dans l'état solide ; explication de la structure hyperfine anormale (1950). La découverte de la polarisation dynamique dans les liquides se traduit par l’invention d'un magnétomètre pour champ terrestre basé sur ce principe (1958) ainsi que les études de base sur la température de spin et la démonstration de son identité avec la température thermodynamique (1957, 1958). En 1960, A. Abragam est nommé professeur au collège de France pour la chaire de magnétisme Nucléaire. Il publie en 1961 un livre sur le magnétisme nucléaire qui est encore aujourd’hui une référence incontestée dans ce domaine.
Dans les années 1970, A. Abragam et M. Goldman se penchent sur un problème modèle de la physique de l’état condensé, l’ordre magnétique nucléaire, et publient le livre Magnétisme nucléaire, ordre et désordre en 1982.
Avec les progrès de l’informatique et des champs magnétiques, la RMN est passée de la physique de la matière condensée, à l’analyse chimique puis à la biologie structurale et plus récemment à l’imagerie médicale.
En 1961 est commercialisé le spectromètre A60 par la firme Varian, qui a connu une grande vogue et a commencé à transformer la RMN en outil de chimie analytique important. En 1964 est fabriqué le premier spectromètre (Varian) à aimant supraconducteur à 200 MHz, bientôt poussé à 220 MHz. En 1964, une expérience importante au développement immédiat, la première utilisation de la transformée de Fourier en RMN liquide par Anderson et R.R. Ernst. En 1972 est produit le premier spectromètre (Bruker) entièrement dédié aux impulsions et à la transformée de Fourier.
Deux développements importants prennent place en chimie à partir de 1968. D’une part, le laboratoire de R.R. Ernst à Zurich développe la méthodologie des transformées de Fourier pour les molécules en solution. D’autre part, le laboratoire de J. Waugh au Massachusetts Institute of Technology (MIT) invente et développe la haute résolution dans les solides au moyen de séquences d’impulsions. Ces méthodes, de maniement délicat, seront supplantées en pratique par l’invention de la méthode d’observation directe de noyaux rares et peu sensibles, essentiellement 13C dans les composés organiques. R. Andrew propose l’utilisation de la rotation à l’angle magique (MAS).
Le début des années 70 connaît deux innovations fondamentales. En 1971, J. Jeener présente modestement, à une École d’été, l’idée et la première réalisation de la spectroscopie à deux dimensions dans les liquides, par la méthode de la double transformée de Fourier. Cette découverte est restée confidentielle jusqu’à la sortie en 1974 du célèbre article de Aue, Bartholdi et R.R. Ernst, qui décrit toute une panoplie de concepts et méthodes pour cette spectroscopie à deux dimensions avec quelques illustrations expérimentales de validation et fonde réellement cette discipline de toute première importance.
Dans un registre différent, P. Lauterbur et P. Mansfield (Prix Nobel 2003) découvrent indépendamment l’idée de l’imagerie RMN qui mûrira très vite par des expériences ">in vivo" sur petits animaux et suscitera un vif intérêt auprès des milieux médicaux, tandis que le laboratoire de Richards à Oxford développe la spectroscopie " in vivo", essentiellement celle du phosphore 31 dans les muscles.
Au CEA, un pôle de spectromètres destinés aux applications du solide, de la chimie et de la biologie s’est progressivement créé et s'est abrité au sein du Service de Chimie Moléculaire (IRAMIS/SCM). Les physiciens du Service de Physique de l’Etat Condensé (IRAMIS/SPEC), continuent eux aussi à s’investir dans la méthodologie RMN (voir la partie "La RMN à l'IRAMIS"). A signaler, la publication récente d'un livre destiné aux biologistes et aux chimistes publiés par Maurice Goldman sur la RMN haute résolution.
L’année 2006, voit l'inauguration du Centre NeuroSpin, adjacent au centre du CEA- Saclay, dédié à l'imagerie Fonctionnelle par IRM.
Examen d'IRM (source : Cité des sciences)
Lors d'un examen d'IRM, le patient est soumis à un champ magnétique intense
(30 000 plus puissant que celui de la Terre). L'eau présente dans son corps
réagit par un signal nommé "Résonance magnétique".
1924 | W. Pauli émet l'hypothèse du spin du proton | |
1936 | Observation des moments magnétiques nucléaires par I.I. Rabi | |
1938 | I.I. Rabi observe le phénomène de RMN, mais le considère comme un artefact. | |
1946 | E.M. Purcell et F. Bloch écouvrent la RMN | |
1947 | Anatole Abragam entre au CEA | |
1949 | Observation des échos de spin par Hahn : Spin Echoes, E. L. Hahn Phys. Rev. 80 (1950) 580 . | |
1950 | Observation du déplacement chimique de la résonance par W. G. Proctor and F. C. Yu, et Dickinson :
| |
1952 | Prix Nobel : E. Purcell et F. Bloch | |
1953-55 | Premier spectromètre commercial Varian | |
1957 | Introduction du concept de "température de spin" (dans le référentiel du laboratoire) par Anatole Abragam | |
1960 | A. Abragam nommé Professeur au Collège de France, chaire de magnétisme Nucléaire | |
1961 | Commercialisation du spectromètre A60 par la firme Varian | |
1964 | Premier spectromètre (Varian) à aimant supraconducteur | |
1964 | Anderson et R.R. Ernst, première utilisation de la transformée de Fourier (dans un liquide) | |
1968 | Méthodologie des transformées de Fourier pour les molécules en solution, par R.R. Ernst à Zurich. | |
1968 | Haute résolution dans les solides au moyen de séquences d’impulsions, Laboratoire de J. Waugh (MIT) | |
1970 | A. Abragam et M. Goldman : Etude de l'ordre magnétique nucléaire | |
1971 | Spectroscopie à deux dimensions dans les liquides, par la méthode de la double transformée de Fourier, par J. Jeener | |
1972 | Premier spectromètre à impulsions et analyse par transformée de Fourier, (Bruker) | |
1972 | Technique de polarisation croisée par A. Pines and J. Waugh : Observation directe du spin des noyaux rares, (essentiellement 13C dans les composés organiques, après polarisation croisée avec 1H) | |
1980 | Introduction dans le domaine médical de l'imagerie par résonance magnétique (IRM) | |
1991 | Prix Nobel de chimie à R.R. Ernst | |
2002 | Prix Noble de chimie à K. Wüthrich (application en biologie) | |
2003 | Prix Nobel de médecine à P.C. Lauterbur et P. Mansfield, pour leurs travaux sur l'imagerie RMN |
Né en Russie le 15 décembre 1914.
Études secondaires au Lycée Janson de Sailly.
Bachelier de Mathématiques en 1932
Licencié ès Sciences (Sorbonne) en 1936
Préparation d'une thèse (inachevée) sous la direction de Francis Perrin (1937-1939)
1939-1940 : mobilisé dans l'Armée
1940-1944 : Professeur libre dans l'enseignement privé
1944-1945 : FFI puis engagé volontaire dans l'Armée
1945-1947 : École Supérieure d'Électricité (diplômé en 1947)
Carrière au Commissariat à l'Énergie Atomique (du 01.01.1947 au 01.01.1980)
Physicien (1947-1954)
Chef de groupe (1954-1956)
Chef de Service (1956-1959)
Chef de Département (1959-1965)
Directeur de la Physique (1965-1970)
Directeur de Recherches (1970-1980)
Collège de France, Professeur titulaire de la Chaire de Magnétisme Nucléaire depuis avril 1960
Professeur honoraire depuis octobre 1985
Président de la Société Française de Physique (1967)
Vice-Président de I.U.P.A.P. (1977-1980)
Membre de l'Académie des Sciences depuis 1973
Membre étranger de :
Grande Médaille d’Or Lomonossov de l’Académie des Sciences de Russie (8 juillet 1996)
La méthode de l'Hamiltonien de spin (avec Maurice Pryce, 1949)
Théorie de la structure hyperfine dans l'état solide ; explication de la structure hyperfine anormale (1950)
Théorie de la pertubation de corrélations angulaires dans l'état condensé, par les champs électriques et magnétiques, statiques ou variables (1952)
Découverte de la polarisation dynamique dans les liquides, invention d'un magnétomètre pour champ terrestre basé sur ce principe (1958)
Études fondamentales sur la température de spin, démonstration de son identité avec la température thermodynamique (1957, 1958)
Découverte de la polarisation dynamique dans les solides et applications à la construction de cibles polarisées (1958 et années suivantes)
Découverte (production et observation) de l'antiferromagnétisme puis du ferromagnétisme nucléaire (1970 et années suivantes)
Première observation aux neutrons de surstructures de Bragg dans les antiferromagnétiques nucléaires (1978 et années suivantes)
Découverte de la précession neutronique dite pseudomagnétique dans les cibles nucléaires polarisées et application systématique à la mesure d'amplitudes de diffusion neutroniques dépendant du spin (1973 et années suivantes)
Nouvelle méthode de spectroscopie nuonique (1984)
Études fondamentales sur la température de spin, démonstration de son identité avec la température thermodynamique (1957, 1958)