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Univ. Paris-Saclay

Les lasers à l'IRAMIS


Dossier : Les lasers à l'IRAMIS
B. Carré, P. Monot, P. d'Oliveira, & L. Barbier (Juin 2010)

Le dossier "Laser à l'IRAMIS " au format PDF

Dossier : les lasers à l'IRAMIS

•1.  Les applications des sources lasers (Bertrand Carré)

•1.1.  Interaction rayonnement-molécule

•1.1.1  Dynamique moléculaire femtoseconde : Femtochimie

Amplification d'impulsion laser Chaine d'amplification

La femtochimie (SPAM et SIS2M) étudie l'interaction des systèmes moléculaires avec la lumière aux échelles de temps femtosecondes, temps caractéristique des dynamiques électronique - ionisation, désexcitation radiative, transfert/migration de charge - et nucléaire - vibration, dissociation, isomérisation , réarrangement dans une réaction chimique. après excitation par une impulsion ultra-brève. Par les études en dynamique réactionnelle on peut ainsi suivre en temps réel une réaction chimique, et accéder aux forces induites par la déformation du (ou des) nuage électronique qui entraînent les noyaux.

Il est remarquable que la femtochimie considère avant tout des dynamiques cohérentes de paquets d'ondes électroniques ou nucléaires dont les phases quantiques sont bien définies. On peut les considérer comme des modèles des dynamiques "naturelles" (faiblement cohérentes) dans des systèmes complexes allant des petites molécules aux gros systèmes (molécules biologiques, agrégats).

•1.1.2  Dynamique moléculaire ultra-rapide (subfemtoseconde) : Attoscience

Lors d'une impulsion laser intense sur un atome ou une molécule, le champ électrique associé induit un mouvement d'oscillation - fortement non linéaire - des électrons du système, formant un paquet d'ondes électronique quasi-libre ultra-court (voir figure). A chaque oscillation, il y a recollision du paquet d'ondes avec la molécule dont il est issu. Le paquet d'ondes électronique peut alors être diffracté (ionisation) ou se recombiner radiativement dans l'état lié, en réémettant une impulsion de lumière ultra-brève - attoseconde. Dans ce cas le mouvement d'oscillation du paquet d'ondes électronique est équivalent à un dipôle non linéaire rayonnant, générant des harmoniques élevées de l'impulsion laser excitatrice. Ce processus, permet de réaliser des sources laser secondaires dans l'extrême-UV aux propriétés uniques, délivrant des impulsions dont la durée est aussi courte qu'une centaine d'attosecondes.

Génération d'impulsion attoseconde
Génération d'une impulsion harmonique attoseconde dans l'extrême UV, après excitation par une impulsion intense entrainant l'oscillation du paquet électronique.


La recollision du paquet d'ondes électronique dans une molécule en champ fort (impulsion laser très intense . Les deux voies de diffusion cohérente du paquet d'ondes électronique, la diffraction et la recombinaison radiative, contiennent des informations spatiales et temporelles sur la structure nucléaire et électronique de la molécule, fournissant une "photographie" de la structure atomique et électronique.


 

L'électron diffracté comme la lumière XUV émise emportent une information très riche sur l'état lié de la molécule qui les a produits et avec lequel ils ont interagi (on parle de "sonde du système par lui-même" ou "self-probing"). En analysant la diffraction électronique ou l'émission attoseconde, il est possible de produire une image spatiale - avec une résolution subnanométrique - et instantanée - à la résolution d'une centaine d'attosecondes - de l'orbitale moléculaire liée à la source du paquet d'ondes électronique.

En principe, on doit pouvoir suivre "en image" la déformation de l'orbitale moléculaire (de la fonction d'onde) dans un processus très rapide tel qu'une dissociation ou une isomérisation. Des travaux sont en cours au SPAM/groupe Attophysique pour se rapprocher de cet objectif très ambitieux.

•1.1.3    Interaction du rayonnement avec les molécules biologiques

La physico-chimie du vivant est largement représentée à l'IRAMIS. On y étudie notamment :

- la conformation des biomolécules (peptides, agents de contraste pour l'IRM) en phase gazeuse, ou de, dans des états stationnaires ou dynamiques (molécules excitées par laser), en utilisant la spectroscopie IR-vis-UV (LFP/groupe Structures biomoléculaires).

- l'effet des rayonnements ionisants sur les molécules biologiques (ADN).

Dans l'interaction de l'ADN avec le rayonnement UV, on cherche à identifier les réactions photochimiques (cassure des chaînes peptidiques) qui pourraient induire des mutations cancérigènes (LFP/Biomolécules excitées). Au-delà de la femtochimie, les processus d'endommagement se développent à des échelles de temps qui vont de la femtoseconde aux millisecondes (secondes).

A partir de la radiolyse de l'eau liquide (par un faisceau d'électrons énergétiques), qui produit des radicaux (OH), on étudie l'action oxydante des radicaux sur les molécules biologiques. On pourra également caractériser l'effet protecteur d'espèces (bio)chimiques antiradicalaires ou antioxydantes (SIS2MLaboratoire de radiolyse).


•1.2.  Interaction laser-solide

Comme dans les molécules en phase gazeuse/liquide, l'interaction d'un solide avec une impulsion femtoseconde intense induit des processus dynamiques très variés. Par exemple, dans un solide diélectrique, la séquence de processus qui se développent à différentes échelles temporelles (de la femtoseconde à la milliseconde !), inclut l'ionisation, le chauffage des électrons libres, les transferts d'énergie électron-réseau, la création d'excitons (paires électron-trou), la relaxation par luminescence, etc...; elle peut conduire au claquage optique et à l'ablation du matériau. Le LSI a développé des techniques performantes pour caractériser en temps réel l'évolution des propriétés électroniques du solide.

A côté de leur intérêt fondamental, les études ont une portée applicative directe - tenue aux flux des optiques, développement de scintillateurs, maîtrise du façonnage de matériaux par laser.


•1.3.  Physique à ultra-haute intensité

Les lasers de puissance de classe 0,1-1 PW permettent aujourd'hui d'atteindre des éclairements considérables, de 1018 à 1020 W/cm2. A ces éclairements qui définissent le régime relativiste d'interaction, dans le plasma produit par l'interaction du laser avec une cible solide ou gazeuse, les électrons deviennent relativistes (leur énergie cinétique ~GeV est de l'ordre de leur masse au repos) ; les ions sont accélérés jusqu'à plusieurs dizaines de MeV ; des neutrons sont également émis. Finalement, dans les plasmas relativistes, le mouvement cohérent des électrons sous l'effet des champs laser et plasma conduit à l'émission d'impulsions de lumière ultra-brèves - attosecondes - et très intenses dans l'extrême-UV (dont les propriétés sont voisines de celles, moins intenses, générées à plus faible éclairement dans un gaz).

Ces processus spectaculaires - accélération d'électrons & d'ions, génération d'impulsions de lumière ultra-brèves - sont étudiés sur le laser UHI100 (100 TW) par le groupe de Physique à Haute Intensité du SPAM.

Les émissions secondaires de particules et de lumière servent deux objectifs :

•-  comprendre la physique de l'interaction

•-  utiliser les sources pour développer des applications originales, dans des domaines aussi variés que la physique (diagnostics plasmas), la science des matériaux (radiographie, diffraction électronique et de photons), la chimie (radiolyse, étude de surface), la médecine (protonthérapie, radiothérapie, imagerie).

Accélération d'ions par laser

Les caractéristiques de haute énergie, faible divergence, courte durée et faible émittance des paquets de protons accélérés les rend particulièrement intéressants pour un large éventail d'applications : l'exploration à haute résolution des champs électriques dans les plasmas, l'allumage rapide (fast ignitor) dans la fusion par confinement inertiel, l'excitation des noyaux, la production d'isotopes pour des applications médicales et la protonthérapie. 

Accélération d'électrons par laser

Comprendre les mécanismes de l'accélération d'électrons permet d'en contrôler les caractéristiques (énergie, durée, divergence) en fonction des applications visées. Les faisceaux d'électrons accélérés par laser offriront d'ici peu une technique alternative, compacte et peu coûteuse, aux accélérateurs conventionnels. Ils seront également utiles à la radiolyse, au diagnostic ultra-rapide de matériaux. On envisage également leur emploi dans le traitement des tumeurs cancéreuses. Ils pourraient, à terme, remplacer les petits accélérateurs déjà présents en salle d'opération, pour irradier la zone périphérique à la tumeur après son ablation.

Génération d'impulsion attoseconde
Profil spatial d'un faisceau d'électrons d'énergie 12 MeV.

Sur le Plateau de Saclay, les perspectives de la physique UHI sont brillantes, et de long terme. Les principaux acteurs « laser », LOA-ENSTA-Ecole Polytechnique, LULI, IRAMIS, Paris-Sud-Laserix, se sont concertés pour porter collectivement l'Institut de la lumière Extrême (ILE), qui construit le laser Apollon de classe 10-20 PW (durée d'impulsion 15 fs). Apollon atteindra des éclairements de l'ordre de 1024 W/cm2, ouvrant l'accès au régime ultra-relativiste de l'interaction laser-plasma (protons relativistes, ayant une énergie cinétique égale à leur énergie de repos). Les processus d'accélération de particules et d'émission X recensés ci-dessus, très non linéaires, gagneront en magnitude plusieurs ordres de grandeurs : on pourrait accélérer les électrons jusqu'au TeV, dépassant les performances des plus grands accélérateurs.

L'Institut de la Lumière Extrême participe au consortium européen qui prépare la d'ELI (Extreme Light Infrastructure). Le projet ELI comporte plusieurs étapes qui devraient, à l'horizon 2015-2020, conduire à un laser Exawatt atteignant des éclairements de 1026 W/cm2. La recherche auprès d'ELI aura un caractère essentiellement fondamental ; elle promet des avancées dans les domaines tels que l'électrodynamique quantique non linéaire (QED, création de paires e-p dans le vide...), la gravitation (radiation de Unruh-Hawking, trous noirs...), la physique des collisions au TeV (électrons...) ou encore accélération d'ions (protons de 100 GeV, production de plasmas de quarks-gluons...).


•1.4.  Physique de la matière à très haute densité d'énergie (MHDE)

Le CEA est le constructeur et l'opérateur des Très Grands Instruments Lasers que sont la LIL (Ligne d'Intégration Laser) et le LMJ (Laser MegaJoule) au CESTA. La LIL, ouverte aux utilisateurs depuis 2005 ( ?), délivre des impulsions relativement longues (durée 1 ns) mais de très forte énergie (30 à 60 kJ) ; cette énergie sera multipliée par 24 (1,8 MJ) sur le LMJ. Les impulsions énergétiques portent la matière (cible solide) à l'état de plasma très dense (densité du solide) et très chaud (105 à 106 degrés K), encore appelé matière à très haute densité d'énergie (MHDE). A la différence de l'interaction à très haute intensité, dans laquelle la matière est violemment portée hors équilibre (siège de processus forcés transitoires tels que l'accélération de particules chargées dans le champ laser), la matière HDE atteint localement un état d'équilibre thermodynamique (état stationnaire relevant de la statistique de Boltzmann).

De tels plasmas existent en grand nombre et à très grande échelle dans la nature, notamment en astrophysique (cœur des étoiles, supernova). L'astrophysique de laboratoire se propose de les reproduire - de façon approchée - en laboratoire, moyennant une formidable réduction d'échelle (1015 !), et de décrire à l'échelle millimétrique des processus tels que les collisions de plasma, les jets astrophysiques, les chocs radiatifs.

C'est également dans un plasma HDE produit par le laser LMJ (à partir du mélange deutérium-tritium - DT) que l'on prévoit d'atteindre les conditions de la fusion par confinement inertiel (FCI). Avec la combinaison des lasers LIL et PETAL (600 fs, 7 PW, ultra-haute intensité, opérationnel en 2012 ?), on pourra de plus explorer le schéma dit «d'allumage rapide » : dans le plasma HDE, une impulsion très intense (PETAL) chauffe les électrons, déterminant une compression locale du milieu qui devrait amorcer la fusion.

A l'IRAMIS, le groupe SPAM/MHDE étudie, théoriquement et expérimentalement, les propriétés électroniques des plasmas denses et chauds (absorption/émission du rayonnement X et X-UV, résistivité, équations d'état qui lient densité, pression, température).

Le groupe est partenaire des consortiums nationaux/internationaux qui réalisent les expériences lourdes et complexes auprès des TGIL (LIL, LULI), en vue de la comparaison avec la modélisation.

Les outils de la modélisation HDE peuvent s'adapter à de nombreuses situations expérimentales, plus modestes que le monde des étoiles et la FCI. Par exemple, le groupe SPAM/MHDE a pu décrire l'émission XUV d'agrégats de gaz rare, une source considérée pour la nanolithographie du futur.

•1.5.  Laser, photonique et plasmonique (Equipe du SPCSI/LEPO, contacts : F. Charra - L. Douillard)

La photonique comprend l'ensemble les sciences et technologies impliquées dans la production de photons, leur propagation et les conséquences de leur absorption par la matière. Les propriétés photoniques de la matière dépendent des propriétés intrinsèques de ses constituants, molécules dans le cas de matériaux organiques ou structure cristalline atomique dans le cas de matériaux minéraux. Le fil directeur de l'ensemble des travaux de recherche dans ce domaine à l'IRAMIS est de comprendre (et exploiter) comment l'organisation moléculaire ou de la matière à l'échelle nanométrique modifie les processus photoniques élémentaires. Avec l'avènement des nano-sciences, de nouveaux concepts scientifiques et techniques expérimentales sont apparus et ont fortement renouvelé les problématiques des sciences de la matière condensée. Nos études de nano-photonique sont ainsi basées sur la sonde locale des propriétés photoniques de la matière, directement à l'échelle atomique ou moléculaire.

•·  Observer la compression de la lumière pour une gravure plus fine

En observant pour la première fois en temps réel des plasmons à la surface d'un conducteur, des chercheurs du CEA, du CNRS et de l'université de Troyes font un nouveau pas vers toujours plus de miniaturisation.

Plasmon
a) Fil d'or de 30 nm de diamètre et 4 µm de long. b) Observation PEEM du signal d'électrons émis montrant les interférences entre la lumière incidente et le plasmon qui se propage le long du fil. Rectangle blanc : barre d'échelle, 1 µm.

Pour la première fois, une équipe de chercheurs du CEA, du CNRS et de l'université de Troyes a visualisé des plasmons à la surface de conducteurs de 30 nanomètres. Les plasmons sont des quasiparticules, c'est à dire des ondes lumineuses qui se déplacent en restant collées au métal conducteur. A cette échelle, le plasmon développe un mode lent où il oscille à la fréquence de l'onde lumineuse (de l'ordre de 10 puissance 15 Hz, précisent les chercheurs, soit une fréquence un million de fois plus élevée que le gigahertz couramment rencontré dans les processeurs), mais avec une longueur d'onde bien plus courte. En théorie, il devient donc possible de combiner, dans un processeur à 30 nanomètres, une technologie de gravure standard et - via ces plasmons lents - des hautes fréquences optiques pour transmettre les informations.

Cette voie a déjà été envisagée en 2004 par Mark Brongersma, de l'université de Stanford, lorsqu'il a créé un modèle théorique de processeurs où des plasmons devaient transmettre l'information d'un transistor à l'autre 100 000 fois plus vite que dans un Pentium de l'époque.

Aujourd'hui, la découverte des chercheurs français permet de franchir le premier pas vers la pratique en observant directement des états qui, jusque-là, n'existaient que sur le papier.


 

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