... Les modes de vibration des fractales : les fractons dans les aerogels

JANVIER 1993 N°10

Un regard indiscret du laser sur les collisions atomiques

Une nouveauté en physique des collisions : une équipe du SPAM a réalisé la cartographie cinématique d'une relaxation électronique d'atomes par collision avec des molécules. Les résultats détaillés mettent en évidence l'existence de deux mécanismes de relaxation distincts.


Figure 1 : Schéma de l'expérience de mesure, par fluorescence induite par laser, des vitesses des produits d'une collision en jets croisés. Le premier laser porte les atomes dans l'état excité 1P1 (Ba*). Le second laser dit de sonde, excite optiquement les atomes relaxés (BaR) issus de la collision. Le détecteur recueille leur fluorescence. Les encarts illustrent les deux types de collisions possibles : en (a), les trajectoires initiales des partenaires de collision sont assez éloignées (grand paramètre d'impact b) et les déviations sont faibles, en (b) les trajectoires sont plus proches, le paramètre d'impact est petit et les déviations importantes.

Dans un système gazeux composé d'atomes et de molécules à l'équilibre, l'énergie se répartit entre énergie cinétique de translation, énergie électronique des atomes et des molécules, et excitation rotationnelle et vibrationnelle des molécules. Dans un système hors équilibre, les collisions sont le moteur du retour à l'équipartition de l'énergie, mais leur efficacité est très variable selon la forme d'énergie à redistribuer. Connaître la nature et l'efficacité de ces processus collisionnels est donc d'une importance considérable en physique de l'atmosphère, en astrophysique, en physique des lasers, voire même en chimie de la combustion.

Dans le cas d'une collision entre un atome excité et une molécule, par exemple, on cherche notamment à savoir : i) comment l'énergie électronique de l'atome, se partage entre translation des produits de collision et excitation interne (rotationnelle et vibrationnelle) du produit moléculaire, ii) quelle est la distribution spatiale des produits, iii) si cette distribution varie avec l'énergie de translation des produits.

Une équipe du SPAM a développé, en collaboration avec Y.T. Lee de Berkeley, une méthode de mesure de vitesses applicable au dispositif à jets croisés existant dans le service (Fig. 1). Elle a permis, dans le cas de la collision entre un atome de baryum excité Ba(1P1) et des molécules diatomiques (le diazote N2 ou le dioxygène O2), d'obtenir la première cartographie complète des distributions angulaire et cinétique du baryum relaxé dans l'état Ba(3P2) produit lors de la collision. La désexcitation atomique Ba(1P1® 3P2) apporte au système une énergie de 0.6 électron-volt qui vient s'ajouter à l'énergie cinétique initiale. La conservation de l'énergie impose de retrouver cette énergie sous forme de translation des produits ainsi que d'énergie de rotation et de vibration de la molécule. De la mesure de l'énergie cinétique du produit Ba(3P2), on déduit alors l'énergie interne du partenaire moléculaire.

Figure 2: Distribution, dans le référentiel du centre de masse, des vitesses des atomes de baryum relaxés par collision avec des molécules N2. En (a), les densités sont représentées par des courbes d'égale intensité. V0 repère la vitesse initiale des atomes de baryum dans le référentiel du centre de masse ; les cercles concentriques indiquent la vitesse qu'auraient des atomes de baryum Ba(3P2) laissant leur partenaire de collision sans rotation et dans l'un des trois états vibrationnels énergétiquement accessibles (v = 0,1 ou 2). En (b), représentation de la même distribution en 3D.  

Dans la technique utilisée, la fluorescence induite par laser, la vitesse des atomes de baryum relaxés et leur direction sont obtenues simultanément. En effet, l'idée est de mesurer l'élargissement, par effet Doppler-Fizeau, du profil spectral d'une transition de ces atomes, à l'aide d'un laser "sonde" (Fig. 1). Ce laser, spectralement fin, est balayé autour de la fréquence de la transition, située dans le domaine optique, et la fluorescence émise est recueillie par un photodétecteur. De la largeur et de la forme de plusieurs profils réalisés selon différentes directions du laser sonde, on déduit les distributions cinétique et angulaire des atomes de baryum relaxés dans le référentiel du centre de masse de la collision (Fig. 2).

Ces résultats ont permis de mettre en évidence les deux mécanismes distincts responsables de la désexcitation électronique du baryum Ba(1P1) par collision avec des molécules : La figure 2 représente la distribution des vitesses des atomes Ba(1P1) après collision avec des molécules de diazote. Le pic aigu correspond à un mécanisme dans lequel la vitesse des atomes de baryum reste pratiquement inchangée : l'énergie électronique du baryum est presque intégralement transférée de manière résonnante dans la vibration de l'azote (0.6 eV soit deux quanta de vibration). La diffusion se fait vers l'avant, ce qui correspond à une géométrie d'approche dite à grand paramètre d'impact (Fig. 1a). Le second mécanisme, associé à la chaîne de montagnes circulaire est caractérisé par de grandes déviations angulaires (60° au maximum de la distribution) et donc à des collisions à petit paramètre d'impact (Fig 1b). Une fraction substantielle de l'énergie électronique du baryum se retrouve alors sous forme de translation des produits et la molécule n'est que rotationnellement excitée (énergie interne d'environ 0.1 eV).


Figure 3: Représentation 3D de la distribution des vitesses des atomes de baryum relaxés par collision avec des molécules O2.

Dans les collisions avec le dioxygène (Fig. 3), seul le processus résonnant à grand paramètre d'impact participe au transfert Ba(1P1 ® 3P2), car dans ce cas Ba(1P1) peut réagir chimiquement avec O2 pour donner l'oxyde BaO. Nos résultats montrent que l'efficacité de cette réaction chimique est suffisante à petit paramètre pour capturer presque tout le flux d'atomes Ba(1P1) incident et rendre inopérant le transfert Ba(1P1® 3P2).

Cette expérience illustre bien la puissance de la méthode de mesure développée. Techniquement, le dispositif de sonde constitué du laser continu et du photodétecteur, s'avère léger et relativement aisé à mettre en œuvre. Quant à son principe, il permet d'envisager l'étude de nombreuses autres collisions atome-molécule.


Pour en savoir plus :

"Atomic and molecular beams methods", Ed. G. SCOLES, Oxford University Press (1988).
"Dinamics of electronically inelastic collisions from 3D Doppler measurements", A G. SUITS et al., Phys Rev. Lett 67, (1991), 3070.

Contacts :

J.M. MESTDAGH, J.P. VISTICOT.

Le Comité de rédaction


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